Prem Rawat :
Bonjour à tous, j’espère que vous allez bien, que vous vous sentez bien et êtes en bonne santé.
J’ai lu une question que m’a envoyée un très bon ami. Et l’une des choses qu’il voulait savoir était : « Quelle histoire serait la plus appropriée pour illustrer ce que nous vivons en lien avec le coronavirus, avec ce qui se passe actuellement ? »
Je me suis mis à y réfléchir et ce qui m’a semblé très évident, à moi du moins, c’est que l’on peut en faire toute une histoire, ce qui est le cas ! Je n’essaie pas de minimiser son importance. Non. C’est historique. C’est énorme.
Quand on voit des animations qui montrent comment ça se propage et la suite, cela ressemble à une catastrophe, prévisible de longue date, non ?
Néanmoins, vous devez vous concentrer sur ce que sont vos besoins. Vous devez comprendre ce que vous êtes parce que cela n’a pas changé. Les circonstances ont changé, les circonstances extérieures ont changé, mais ce que vous êtes ainsi que vos besoins n’ont en rien changé.
Bien sûr, il est dans notre nature de ressentir un manque lorsqu’on nous prive d’une chose, lorsqu’on nous l’enlève. Nous l’aimons encore plus, nous la voulons encore plus.
En fait, beaucoup de personnes que je connais aiment plutôt s’asseoir dans leur salon pour regarder la télévision, jouer à un jeu vidéo, écouter de la musique ou lire un livre. Mais maintenant que nous ne pouvons pas sortir, nous voulons tous sortir, aller à la plage, pratiquer ce genre d’activités.
C’est très, très intéressant. J’en reviens au fait que le principal n’a pas changé c’est-à-dire vos besoins, ce que vous voulez, votre journée, le fait d’exister, de survivre, de vivre. Cela n’a pas changé.
Alors, quelle serait l’histoire la plus appropriée ? Eh bien, j’y ai longuement réfléchi et j’ai dû chercher loin dans ma mémoire, très loin. C’est une histoire que je racontais il y a très longtemps et cela fait très longtemps que je ne l’ai pas racontée.
C’est une histoire courte et rapide. C’est l’histoire d’un roi qui un jour se retrouve complètement ivre. Il monte sur son éléphant qui est ivre lui aussi. Et tous deux vont là où l’éléphant veut bien les emmener. L’éléphant va n’importe où, partout où il décide d’aller.
Ils sont plutôt en piteux état, ils sont saouls et ni l’un ni l’autre ne maitrise quoi que ce soit, aucun des deux n’a la situation en main, aucun ne sait que faire.
L’éléphant finit par trébucher sur un obstacle et le roi, qui est assis sur l’éléphant, sur son dos, bascule et tombe dans un puits. Sa chute le fait dessaouler un peu et il se retrouve agrippé à du lierre, un lierre très solide. Il s’y agrippe, il est vivant, il est sauf.
À ce moment-là, il se demande ce qui lui arrive et, rapidement dessaoulé, il essaye d’évaluer la situation.
Il est donc au milieu de ce puits, agrippé au lierre. Il lève la tête et voit deux rats, un rat noir et un rat blanc, bien occupés à ronger ce lierre. Il regarde alors en bas pour voir ce qui s’y trouve. Et là, en bas, il voit de nombreux serpents qui sifflent, des scorpions, des animaux mortellement venimeux. Voilà qui n’est pas très réjouissant pour lui.
Donc, il en est là : il est agrippé à ce lierre, dans le puits. Il lève la tête et voit deux rats qui sont très occupés à essayer de couper le lierre, de venir à bout du lierre. Puis il regarde en bas, là où il va forcément tomber une fois le lierre coupé, et il y a tous ces serpents venimeux, ces scorpions et autres animaux dangereux.
Mais faisons une pose un instant, l’histoire s’interrompt quasiment là. Elle est destinée à vous faire réfléchir, vous faire prendre du recul. Le roi, c’est vous, bien évidemment. Vous êtes le roi. Tout ce que vous dirigez, votre petit monde, c’est cet éléphant. Cet éléphant est ivre et vous aussi !
De quoi êtes-vous ivre ? Eh bien, d’inconscience. Vous vivez mais vous ne maitrisez rien. Sauf que vous n’hésitez pas à vous plaindre, à regarder ce qui se passe autour de vous en disant : « Je ne comprends vraiment pas pourquoi cela se passe ainsi ! ». Vous en voulez à Dieu, à telle personne, à telle autre personne. C’est sans fin.
L’histoire est donc métaphorique. La métaphore ici est que dans ce scénario vous êtes le roi. Et l’inconscience est votre ivresse. Nous vivons nos journées en voulant que toutes se ressemblent plus ou moins : « Je pars, je me lève à telle heure… »
Savez-vous combien de personnes aux États-Unis programment l’alarme de leur réveil sur une certaine heure et n’y touchent plus ? Et la règle est que le samedi et le dimanche, s’ils ne travaillent pas le week-end, ils ne mettent pas l’alarme. Puis le lundi c’est reparti pour la même routine.
Certains programment leur cafetière car ils savent qu’ils doivent se lever à la même heure chaque jour.
Nous suivons donc ce schéma-là et je ne suis pas en train de juger si c’est bien ou si c’est mal, je fais simplement un parallèle avec l’histoire pour essayer d’en éclaircir le sens.
Puis il y a notre petit monde que nous avons créé, rempli d’inconscience. Nous ne décidons pas. Le monde nous fait miroiter de beaux téléphones, de beaux objets. En voyant tout cela, nous disons : « Oui, oui, j’en veux un, je veux ceci, je veux cela. »
Nous passons en voiture devant une belle maison en vente, ou autre chose, et nous disons : « Je veux ça aussi. » Ou une magnifique voiture : « Oui, je veux la même. »
Alors c’est comme si le monde entier nous poussait et nous poussait tous les jours à vouloir, vouloir, vouloir. Vouloir ceci, vouloir cela.
Le tout dans une complète inconscience de notre part. Parce que ces gens-là, croyez-moi, s’installent autour d’une table et ils réfléchissent : « Comment trouver la formule infaillible pour que les gens aient envie de ce produit, qu’est-ce qu’on va bien leur raconter ? » Ils doivent se mettre autour d’une table pour décider : « On va leur dire que cette voiture est la meilleure voiture qui existe », peu importe que la voiture le soit ou pas. Peu importe que le soda dont ils veulent faire la publicité soit bon ou pas, il pourrait même faire du mal, mais ce n’est pas ce qui les intéresse.
Ce qui les intéresse c’est : « Comment peut-on prendre le contrôle, comment peut-on leur faire entrer ça dans le crâne ? » Des pirates du cerveau ! « Comment peut-on pénétrer dans leur cerveau pour y planter l’idée qu’ils veulent vraiment ça, non pas qu’ils en ont besoin, mais qu’ils le veulent. » Alors, encore une fois, c’est parce que nous sommes incroyablement inconscients que nous l’acceptons et que nous disons : « Oui c’est vrai, c’est ce que je veux. »
Donc, l’éléphant est saoul, le roi sur le dos de l’éléphant est saoul lui aussi, personne ne sait où ils vont, ils sont complètement ivres d’inconscience tous les deux, l’éléphant s’en fiche et le roi également.
Et voilà que quelque chose se produit, un imprévu, et l’éléphant trébuche. Le Coronavirus arrive et l’éléphant trébuche. Tout à coup, le roi est éjecté de l’éléphant et tombe dans le puits, le puits du monde dans lequel nous vivons. Il y a du lierre, nous nous agrippons à ce lierre.
Le roi regarde vers le haut et voit les deux rats. Le rat noir et le rat blanc représentent le jour et la nuit. Ils sont en train de ronger la liane. Qu’y a-t-il au fond de ce puits ? Des serpents : les conséquences de nos décisions.
Et les rats continuent à ronger. Le roi se retrouve dans un dilemme : s’il ne fait rien, il va tomber parce que les rats vont finir par couper le lierre. S’il ne fait rien c’est ce qui va lui arriver, il va tomber et mourir des conséquences, des conséquences engendrées par son inconscience, c’est à dire, en ce qui nous concerne, de l’inconscience de chacun ou chacune.
Ce qu’il y a au fond du puits ce ne sont pas les conséquences d’une seule journée, ce sont les conséquences de chaque journée vécue inconsciemment, inconsciemment, Inconsciemment. Drôle de scène !
Le seul espoir, c’est que quelqu’un lui lance une corde, alors tout changerait. Car les jeux sont faits. Les deux rats font leur travail, ils se moquent du reste. Jour et nuit, le temps passe, voilà le symbole, le symbole du temps qui passe sans s’arrêter, jour et nuit.
Quand vous achetez une montre, à quoi va-t-elle vous servir ? A vous permettre de savoir à quel moment vous allez faire ceci ou cela. Mais vous êtes-vous déjà fait la remarque en regardant cette montre « mon Dieu, mais elle m’indique le temps en moins qui me reste à vivre sur terre » !
Je ne suis pas en train de vous raconter un scénario catastrophe. Car il existe une possibilité. C’est qu’à un moment donné, nous nous rendions compte que « je suis là, tellement occupé à essayer de ne pas subir les conséquences, que j’ai oublié que je suis moi-même la cause de ces conséquences dans ma vie. »
Une autre question m’a été posée, me semble-t-il par une personne probablement incarcérée. Elle dit en résumé : « J’ai commis telle et telle action et j’en subis les dures conséquences chaque jour ! »
J’aimerais vous dire : « D’accord, vous en subissez les conséquences tous les jours. Mais qu’est-ce qui rend cela insupportable ? Est-ce que ce sont les autres, ou est-ce que c’est vous ? »
Votre manière de percevoir les choses peut être changée. Vous pouvez voir la situation comme une autre occasion dans votre vie de vous transformer profondément de l’intérieur. Vous pouvez tirer de cette situation un merveilleux avantage mais pas seulement.
Je veux dire par là que je rencontre beaucoup de détenus, je vais fréquemment dans les prisons. Et une prison c’est cela, c’est un confinement. « Tu ne peux pas aller ici, tu ne peux pas aller là, tu es confiné dans cet endroit et c’est tout. »
Eh bien c’est ce que fait le coronavirus avec ce confinement. C’est ce qui arrive : « Vous ne pouvez pas aller ici, vous ne pouvez pas aller là, vous ne pouvez pas faire ceci, ni faire cela. » Vous êtes privé de votre liberté.
Et à cause de cela… Hier j’ai vu des gens qui manifestaient contre le confinement. Et je me suis rendu compte que beaucoup de ces personnes, pas toutes mais beaucoup d’entre elles, ne voulaient pas qu’on leur dise que faire. Non pas ce qu’elles font ou pas, mais elles ne veulent pas qu’on leur dise ce qu’elles ne doivent pas faire.
Si quelqu’un vient leur dire : « vous devez rester dans cette pièce », elles ont horreur de ça, elles ne veulent rien entendre.
En réalité, les gens pourraient avoir un peu de bon sens et se dire : « D’accord, compte tenu des circonstances, c’est bien de ne pas transmettre… » Et jusqu’à quand ? On entend beaucoup de choses, on nous dit : « Il faudra peut-être deux ans pour mettre au point un vaccin ou cela prendra peut-être 12 mois. »
On y travaille, on y travaille et espérons qu’on trouvera un antidote ou une médication. Ce n’est pas comme s’il ne se passait rien, il y a une quantité incroyable de gens qualifiés qui travaillent pour trouver la parade contre cette chose ou améliorer la situation. Parce qu’économiquement, le prix à payer est très élevé, mais c’est ainsi.
Donc, pour en revenir à l’histoire, la seule possibilité pour le roi de s’en sortir, c’est que quelqu’un vienne à la rescousse, lui donner un moyen de sortir du puits. Qu’il comprenne la valeur de chaque jour dont il dispose et qu’il comprenne que de telles conséquences l’attendent à moins qu’il ne change sa manière d’agir.
Et ce qu’il doit changer en premier lieu, c’est mettre un terme à son inconscience, mettre fin à cet état d’ébriété et s’assurer également que son éléphant ne soit pas ivre.
Alors, c’est ce que j’essaye de faire comprendre. Que l’important, c’est notre manière de percevoir. Ce que nous devons voir, c’est la réalité. La réalité est simple, elle est belle parce que c’est sa nature. Telle est la nature de la réalité.
Elle peut paraître cruelle, elle peut paraître bizarre, elle peut paraître ainsi. Mais en réalité elle est belle. Vous êtes vivant, le souffle vient en vous, vous existez. Considérez vos besoins. Ce dont vous avez besoin, c’est d’être comblé, d’être en paix, c’est très, très simple. Et quand vous serez en phase avec cela, votre vie sera différente et ce dont je parle aura beaucoup plus de sens pour vous.
Ce que nous considérons comme étant normal, c’est faire toutes ces autres choses et perdre notre temps. La seule chose que nous ne pouvons pas nous permettre de gâcher, c’est le temps. Parce que c’est une ressource qui ne revient pas. Une petite amie, nous pouvons en trouver une autre, une femme, nous le pouvons aussi. Pour les enfants, bon, nous pouvons toujours essayer.
Mais le temps, ce n’est pas possible. Un métier, deux métiers. Nous pouvons essayer ce travail-ci, nous pouvons essayer ce travail-là. Si ça ne marche pas nous pouvons en essayer un autre. Mais le temps, nous ne pouvons rien y changer, il n’y a pas de bouton retour en arrière, ni de bouton stop.
Alors voilà, j’espère que cela vous parle, le plus important est de se sentir réconforté, de se sentir à l’aise. Tout va bien, tout va bien pour vous. Allez voir en vous, comprenez qui vous êtes. Regardez-vous avec vos propres yeux, pas avec ceux du monde, voyez à travers vos yeux de quoi il retourne. Et je pense que vous serez agréablement surpris.
Alors soyez en sécurité, en bonne santé, soyez.
Merci, je reviendrai vous parler.