Une gratitude fondamentale
Los Angeles, Etats Unis
Prem Rawat :
La gratitude est extrêmement importante. Pour quelle raison ? Bien sûr, nous savons tous ce qu’est la gratitude. Vous savez ce que c’est. La gratitude nous a été apprise dès notre plus jeune âge : « Dis merci. » Est-ce cela la gratitude ? Dire merci ?
À un enfant, la mère ou le père dit : « Dis merci. » Malheureusement, pour beaucoup d’entre nous, c’est tout ce que nous connaissons de la gratitude. Nous n’en connaissons rien d’autre.
Aujourd’hui, j’aimerais vous ouvrir un tout autre monde, le monde de la gratitude. Qu’est-ce que cela demande de ressentir de la gratitude ?
Pour commencer, la gratitude est un sentiment et nous ne pouvons pas nous forcer à éprouver un sentiment. Soit nous le ressentons, soit nous ne le ressentons pas. Ce n’est pas comme si nous pouvions dire : « Assieds-toi, je vais te convaincre que tu as faim. » Soit nous avons faim, soit nous n’avons pas faim. Pour la soif, c’est pareil : soit nous avons soif, soit nous n’avons pas soif. Pareil pour le bonheur : soit nous sommes heureux, soit nous ne le sommes pas.
Pour beaucoup de gens, la gratitude est un mystère. « De quoi parlez-vous ? Oui, bien sûr que je connais la gratitude, je dis merci à longueur de journée ! Quand l’hôtesse de l’air m’apporte un plateau repas pas très ragoutant, je dis merci. » De plus, nous ne savons même pas où il a traîné.
Beaucoup de gens parlent de recyclage : « Il faut recycler, recycler, recycler. C’est une bonne chose, c’est écolo. » Et ce repas, est-il préparé avec des aliments recyclés aussi ? C’est plutôt suspect car les cuisines se trouvent tout près des toilettes. En Inde, ce serait impossible, il ne peut pas y avoir de toilettes près de l’endroit où l’on prépare à manger.
Et donc nous disons « Merci ». Nous n’avons pas encore goûté le café, qui est peut-être très mauvais, mais nous disons « Merci. »
« Bon vol ! » Qu’en savez-vous ? Êtes-vous météorologue ? Etes-vous le pilote ? Où sont les turbulences ? Le pilote a-t-il bien dormi la nuit dernière ? Se sent-il bien ? Est-ce au tour du copilote de prendre les commandes ? Mais l’on vous dit « Bon vol » et vous répondez : « Merci. Il sera bon. » Nous croyons donc que, d’une certaine façon, nous pouvons nous convaincre que nous éprouvons de la gratitude, que nous sommes reconnaissants, mais ce n’est pas le cas.
Alors, qu’est-ce qui pourrait vous faire éprouver de la gratitude ? Y a-t-il quelque chose qui se produit tout naturellement en vous et qui pourrait vous rendre reconnaissant ? La vraie gratitude provient-elle de la tête ou du cœur ?
Vous réfléchissez, n’est-ce pas ? Je peux entendre vos pensées. Je peux vous entendre penser : « Personne ne m’a jamais posé cette question : la gratitude provient-elle de la tête ou du cœur ? » En effet, votre approche de la gratitude a toujours été intellectuelle et moi je ne parle pas de cette gratitude-là. C’est de la politesse dont il s’agit là. Les bonnes manières n’ont rien à voir avec la gratitude, sinon le mot merci…
Disons que vous vous trouvez dans une situation affreuse, horrible, et que quelqu’un vous donne un verre d’eau. Vous n’avez même pas soif mais il vous dit : « Buvez ! » Devriez-vous lui dire merci ? Ne devriez-vous pas lui dire merci ? Ca y est, vous recommencez à penser, non ? C’est à des années-lumière de ce qu’est la gratitude, elle n’a rien à voir avec la situation.
Ce n’est pas parce que vous êtes riche que vous devez être reconnaissant. Ce n’est pas parce que vous être pauvre que vous devez être reconnaissant. Ce n’est pas parce que vous êtes en bonne santé que vous devez être reconnaissant. Ce n’est pas parce que vous êtes malade que vous devez être reconnaissant. Ce n’est pas parce que vous êtes jeune que vous devez être reconnaissant. Ce n’est pas parce que vous êtes vieux que vous devez être reconnaissant.
Pour aucune de ces choses-là. La gratitude jaillit lorsque vous vous rendez compte de ce qui vous a été donné, de façon innée, sans que vous ayez eu à demander, à appuyer sur un bouton, à passer un coup de fil, à envoyer un formulaire de demande… Alors, qu’est-ce qui vous a été donné ? La vie.
Si vous êtes ici et que vous écoutez ce que je suis en train de dire, que vous m’entendez, de toute évidence vous êtes en vie. Et si vous êtes en vie, reconnaissez-vous ce que cela signifie ? C’est le tout premier cadeau qui vous a été donné et pour lequel vous devez être reconnaissant.
Quand vous sentez la vie en vous, quand vous vous sentez vivant, vous n’avez pas besoin de fabriquer de la gratitude, elle jaillit naturellement de l’intérieur. C’est la gratitude fondamentale, la gratitude de base. C’est la véritable gratitude, celle qui est réelle.
Sans elle, nous ne pouvons même pas commencer à vraiment apprécier l’existence. Sans elle, nous vivons dans une situation périlleuse faite de dualité, d’idées, de définitions qui ne cessent de changer année après année.
Aujourd’hui, je fais le tour du monde. Les gens me parlent de la paix et je leur parle de la paix. Et il y a une chose que je ne suis jamais arrivé à comprendre, c’est comment il était possible… Paix est un mot tout simple mais personne n’a la moindre idée de ce qu’il signifie. Comment est-ce possible ?
Nous sommes là et, dans le monde, il y a tant de folie. La gratitude ? Ne devrais-je pas plutôt parler de la façon dont nous pouvons stimuler un point d’acupuncture sur le corps pour nous détendre complètement quand nous lisons les titres des journaux ? Ne devrais-je pas plutôt parler d’un antidote à utiliser quand nous allumons la télévision par erreur et que nous tombons sur une chaîne d’information ?
Non, car en réalité, vous êtes en vie, la chose la plus belle qui soit se produit malgré toute la folie ambiante. Il peut y en avoir dix fois plus et même alors, au beau milieu de toute cette folie, quelque chose de magnifique se produit.
Le message le plus fantastique est celui-ci : « Même au beau milieu de toute cette folie, il y a de la sagesse. Même dans l’obscurité, il y a de la lumière. »
Il existe une vérité qui défie tous les mensonges que nous rencontrons dans la vie. Il y a un pouvoir dans le souffle. Le souffle vient en vous, bien que vous soyez entouré de tout ce qui pourrait vous le voler ; il défie tout.
Il y a une sagesse en vous qui défie toute l’ignorance dont vous pouvez être entouré. Il y a une lumière en vous qui défie toute l’obscurité dont vous êtes entouré. Il y a un puits en vous qui est à jamais empli d’une eau claire et douce qui défie toutes les sécheresses des alentours.
Le jour où vous découvrirez ce puits, le jour où vous découvrirez cette sagesse, le jour où vous découvrirez cette lumière, le jour où vous découvrirez cette beauté, vous serez empli de gratitude et ce sera la gratitude la plus vraie, la plus réelle qui soit.